Un socle salarial pour l'Europe : l'avenir de la directive (UE) 2022/2041

Avec la directive (UE) 2022/2041, l’Union européenne entend garantir à tous les travailleurs un salaire équitable, assurant un niveau de vie digne, luttant contre la pauvreté au travail et favorisant une convergence sociale vers le haut.

 

Au cœur du texte, deux leviers essentiels : rendre les salaires minimaux légaux plus adaptés aux réalités économiques, et promouvoir la négociation collective comme outil structurant du dialogue social.

 

Loin d’imposer un salaire minimum uniforme, la directive s’attache à encadrer les processus de fixation, en intégrant des critères objectifs tels que le pouvoir d’achat, la productivité ou encore le niveau général des salaires. Des valeurs de référence indicatives sont même proposées : 60 % du salaire médian brut ou 50 % du salaire moyen. L’objectif est d’assurer un socle de protection salariale cohérent avec les conditions économiques locales.

 

Au Luxembourg, le projet de loi n°8437, présenté en août 2024, transpose partiellement la directive. Il respecte les obligations minimales, telles que le maintien de la réévaluation biennale du salaire social minimum, conformément à l’article L.222-2 (2) du Code du travail, la mise en place d’un organe consultatif auprès du Ministère du travail, ainsi que le renforcement de la protection contre les représailles. Le champ d’application reste toutefois limité, alors que les agents publics, les apprentis et les travailleurs de plateformes en sont exclus.

 

Sur base de cette directive, le Luxembourg est également tenu, comme tout État dont le taux de couverture des conventions collectives est inférieur à 80 %, d’élaborer un plan d’action national. Avec un taux inférieur à 60%, cette obligation s’impose. Le plan devra être concerté, public, actualisé tous les cinq ans et assorti de mesures concrètes pour améliorer la couverture conventionnelle.

 

Un second texte devrait compléter cette transposition en traitant spécifiquement du développement de la négociation collective. En parallèle, les réactions patronales sont marquées par la crainte d’un alourdissement des charges, notamment dans certains secteurs comme l’Horeca.

 

A noter que la directive fait toutefois l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne. En janvier 2025, l’avocat général a émis un avis critique, estimant que le texte européen outrepasse les compétences de l’Union en matière de rémunération, domaine réservé aux États membres. Selon lui, même si la directive ne fixe pas un niveau de salaire commun, elle impose des mécanismes de fixation et des obligations procédurales qui interfèrent de manière significative avec les politiques nationales.

 

Si la Cour devait suivre cet avis, cela remettrait en cause la validité juridique de l’ensemble du dispositif. et poserait un précédent majeur quant aux limites de l’intervention de l’Union dans les politiques sociales.

 

Nous restons dans l’attente de cette décision.

 

Maître Sabrina Martin est à vos côtés pour toute question d’implications pratiques concernant ce sujet.