Souriez, vous êtes filmés !

Le droit à l’image a toujours été source de multiples conflits, notamment en matière de droit à l’information, de droit au respect de la vie privée, ou de surveillance sur les lieux de travail. La question de sa protection se pose à nouveau à l’heure de l’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données à caractère personnel (RGPD).

S’il existe juridiquement de manière autonome, le droit à l’image découle du droit plus étendu que constitue le droit à la vie privée. Le droit à l’image est ainsi protégé au Luxembourg tant par la Convention européenne des droits de l’Homme, en son article 8, que par des textes de droit interne tels que la loi modifiée du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias, en son article 14, et la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée. L’atteinte portée à l’image d’une personne peut donc constituer un préjudice susceptible de réparation.

Quelle est l’étendue de la protection dont bénéficie une personne sur son image ?

Le droit à l’image est le droit de chacun sur son image. Ainsi pour pouvoir prendre une personne en photo, cette dernière doit en principe donner son consentement. Un nouveau consentement devra ensuite être donné avant l’éventuelle publication de ladite photo. Concrètement cependant, et pour des raisons pratiques évidentes, lorsqu’une personne se situe dans un lieu public, son image n’est pas protégée contre d’éventuelles captures. Après capture de son image, par contre, la personne concernée dispose d’un droit total sur son image, de sorte que « chacun peut s’opposer à la publication de ses traits sans autorisation » (1).

Cette protection comporte toutefois une limite. En effet, le droit à la protection de l’image d’une personne peut se heurter au droit du public à l’information. Ainsi, le droit luxembourgeois prévoit que lorsqu’une « personne a été photographiée en train de participer à une manifestation, constituant un événement d’actualité important, elle doit tolérer qu’elle soit prise en photo dans le cadre d’un compte-rendu de l’actualité »(2). La jurisprudence pose cependant une condition à une telle publication : celle-ci doit être « justifiée par la nécessité de l’information du public » (3).

Quel est l’apport du RGPD en matière de droit à l’image ?

Le RGPD est un règlement de l’Union européenne qui renforce et unifie le régime de la protection des données personnelles des personnes physiques. Il protège à ce titre l’image d’une personne lorsque cette dernière fait l’objet d’un traitement technique spécifique, dont l’objectif est justement de permettre l’identification unique de cette même personne. Pour qu’un tel traitement de l’image soit soumis aux dispositions du RGPD, il doit être réalisé dans un cadre commercial ou professionnel, et en tout état de cause, en dehors du cadre privé et personnel. Cette protection est assurée par l’article 9.1 du RGPD qui pose le principe de l’interdiction de tout traitement de l’image d’une personne à défaut d’obtention explicite préalable de son consentement. Ainsi, la personne concernée doit donner son consentement explicite tant pour la capture de son image, que pour le traitement de celle-ci. Ce consentement doit être donné de façon éclairée et univoque. Il faut également noter qu’en vertu du RGPD, la personne concernée bénéficie d’un droit à l’effacement lorsqu’elle en fait la demande. L’article 9.2 du RGPD dresse toutefois une liste d’exceptions à cette interdiction. Peuvent être cités de manière non exhaustive, l’utilisation de cette image pour la protection sociale de la personne concernée, son intérêt vital, la défense d’un droit en justice, ou encore, pour des motifs d’intérêt public.

Comment doivent donc se concilier ces deux protections juridiques du droit à l’image ?

Le RGPD ne s’applique pas aux activités strictement personnelles ou privées et donc sans lien avec une activité professionnelle ou commerciale (4). A titre d’exemple, si l’image d’une personne prise au cours d’une soirée entre amis, est publiée par l’ami sur sa page privée sur un réseau social, alors le RGPD ne s’appliquera pas. Dès lors, si un conflit s’élève suite à cette publication, la personne concernée ne pourra qu’invoquer le droit à l’image tel qu’il découle du droit à la vie privée. Le RGPD ne s’applique donc que lorsque le traitement de l’image est effectué dans un cadre professionnel, par une personne physique ou morale.

La protection du droit à l’image est donc renforcée par le RGPD, alors qu’il apporte une nouvelle base légale comme fondement juridique de cette protection, et impose l’obtention explicite d’un double consentement de la personne concernée, à savoir préalablement à la capture de son image, et préalablement à son traitement.

L’Étude MARTIN AVOCATS, membre de l’Association pour la Protection des données à Luxembourg (APDL), œuvre pour vous soutenir dans le cadre de vos démarches, solutions de diagnostic et mise en conformité de vos traitements au RGPD.

(1) CA, arrêt du 6 janvier 2005, no. 26823 du rôle. (2) G. RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, Pasicrisie luxembourgeoise 2006, 2e édition, p. 85. (3) CA, arrêt du 29 mars 1995, no. 15758 du rôle. (4) Considérant 18 du RGPD.